Carl von Clausewitz en son temps : die Natur des Mannes
Résumé
Les huit livres de Vom Kriege (De la Guerre), écrits entre 1820 et 1831 par le général prussien Carl von Clausewitz, inspirent depuis longtemps stratèges et stratégistes, en dépit de l’inachèvement de l’ouvrage et du criticisme philosophique souvent ardu qui en structure la trame. Centre de gravité, point culminant, supériorité de la défensive ou notion de friction, pour ne citer que quelques-uns des concepts généraux clausewitziens, ont été en grande partie absorbés par la pensée et les doctrines des forces militaires du monde entier, de Moltke à Foch, de Lénine à Mao, du Corps des Marines américain aux combattants irréguliers contemporains de toutes obédiences. Rançon de ce succès, Clausewitz a bien entendu été critiqué et parfois mal lu, se voyant accusé d’être responsable de l’obsession « napoléonienne » pour le choc frontal direct qui marquera la première Guerre mondiale (B. Liddell Hart), de ne plus être vraiment pertinent pour l’analyse des « nouvelles guerres » de l’après-Guerre froide dans lesquelles la victoire militaire ne suffit plus (M. Kaldor, B. Heuser4), ou de faire reposer sa théorie sur une conception trinitaire (Gouvernement, Armée, Peuple) trop stato-centrée pour rendre compte des guerres de basse intensité (« non-trinitaires ») qui représenteraient l’avenir de la conflictualité (M. Van Creveld5). Ces remises en cause régulières (« The Grand Tradition of Trashing Clausewitz », pour reprendre Christopher Bassford), aboutissent paradoxalement à mettre en relief la centralité du Prussien, qui reste considéré comme le plus grand stratégiste de l’histoire.
A propos de l'auteur
Olivier Zajec est Professeur des universités en Science politique à l'Université Jean Moulin Lyon-III. Il est le directeur de l'IESD.
Clausewitz
Perrin, 2016
Pensée stratégique
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